Face au Pacifique
Assis sur un banc dans la zone de promenade entre Ocean Avenue et le haut de la falaise, les deux hommes contemplaient la jetée qui s’allongeait dans le Pacifique. Derrière eux, garées en épi, les deux motos brillaient sous les derniers rayons du soleil printanier. On était en avril, mais il faisait encore chaud pour une fin de journée. Il avait fait près de trente degrés un peu plus tôt et maintenant, alors que le soleil allait se coucher au-delà des vagues, la fraîcheur tardait à arriver malgré une légère brise venant de la mer.
Au sud, Catalina se découpait encore alors qu’à l’ouest, les Channel Islands disparaissaient dans le halo de l’astre plongeant vers l’océan.
— Tu crois qu’on pourra voir le rayon vert ?
— Je ne crois pas, la pollution atmosphérique est trop importante sur Los Angeles.
— Dommage ! je n’avais jamais pensé voir le Pacifique comme ça.
À leurs pieds, la côte s’étendait à perte de vue. Sur leur gauche, au-delà de la jetée, les plages de Venice Beach et de Marina Del Rey avant l’aéroport, puis plus loin El Segundo, jusqu’à la pointe de Palos Verde. Sur leur droite, Malibu s’étirait au pied des collines, avec ses maisons construites sur la plage et ses propriétés accrochées à la pente abrupte.
— Allez, assez rêvassé, on ne va pas coucher là !
Les deux hommes se levèrent pour retourner vers leurs montures.
Ils étaient à peu près de la même taille et du même âge mais Ange était aussi brun que Philippe était blond. D’allure sportive, ils avaient bien remarqué les regards intéressés des jeunes femmes passant en rollers devant eux. Ange n’aurait jamais imaginé autant de jolies femmes se déplaçant vêtues d’un simple short de jean et d’un débardeur fluo, laissant plus que deviner des silhouettes musclées par la pratique répétée d’exercices physiques en plein air. Il avait été beaucoup moins attiré par le groupe de femmes plus âgées, aux corps refaits et aux visages botoxés tentant de suivre les directives d’un coach exigeant.
Les deux Harley brillaient de tous leurs chromes. La Road King de Philippe était entièrement noire, celle d’Ange était bicolore. Les deux machines étaient équipées de larges valises contenant leurs maigres bagages. Sur les selles reposaient les casques ouverts à visière noire, semblables à ceux portés par Backer et Punch dans la série Chips. Philippe portait un jean 517 ajusté qui collait à sa silhouette élancée comme une seconde peau. Sur son tee-shirt blanc, il avait endossé un gilet sans manche aux couleurs de son Chapter, le « Dream Vallée ». Ange était vêtu plus classiquement d’un 501 bleu délavé et d’un polo blanc.
Comme ils enfourchaient leurs machines et bouclaient leurs casques, Philippe s’adressa à Ange, regardant ses Nike usées.
— Il te faut des bottes.
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